Histoire du temple de Chastagnier

Des origines à la Révocation

Au cours des guerres civiles, Labatie changea plusieurs fois de mains. Le capitaine protestant Lacroix s’y installa en 1577. Lors du siège de St-Agrève, trois ans plus tard, Labatie était toujours tenu par les protestants.

Sous le régime de l’Édit de Nantes, Labatie était annexe de l’Église de Desaignes.

De la Révocation à la Révolution

Au commencement de la persécution ,on mit chez les religionnaires, pour les faire changer de religion, plusieurs dragons à discrétion avec ordre, non de les tuer, mais de leur faire tout le mal qu’il leur serait possible tant à leur corps qu’à leurs biens. Parmi ceux qui se montrèrent particulièrement fermes, nous trouvons Vialette, de Labatie. C’était un homme d’une grande piété qui lisait ou faisait lire par quelqu’un des siens dans sa maison, le matin, à midi et le soir, plusieurs chapitres de la Bible : règle qu’il observait religieusement, même dans les mois de l’année où les travaux pressent le plus.

Les dragons s’avisèrent de l’attacher à la queue de leurs chevaux, les faisant courir jusqu’à ce qu’on craignit qu’il (n’en) mourût. Un autre jour, on le fit marcher, pieds nus, sur les peignes en fer dont on se servait pour préparer le chanvre. Vialette prit alors avec sa famille, le parti de la fuite, gagnant leur vie comme ils pouvaient, souvent exposés à bien des misères. Après plusieurs mois de vie errante, Vialette et les siens revinrent dans leur maison. Ils assistaient régulièrement aux assemblées secrètes présidées par des prédicants improvisés. On en tenait même chez eux. Mais, un jour, Vialette fut pris et emprisonné, comme opiniâtre, à la Tour de Constance. Il y mourut constant et persévérant jusqu’à la fin. En 1709, sa maison fut rasée. par les soldats qui mirent à mort sa soeur. Une tante de Vialette, enfermée à Carcassonne pour cause de religion, y était morte. Cependant le fils aîné de Vialette, qui marchait sur les traces de son père, put relever par la suite la maison paternelle et sut fort bien exploiter le domaine.

Vialette ne fut pas seul à déserter, lors des abjurations générales. L’état des protestants fugitifs, conservé aux Archives nationales, donne les noms de trois autres familles de Labatie : Abel Bernard et Jeanne Chaléat sa femme, Antoine Astier et Isabeau Dupré, Joachim Combelautard et Marie David.

Pierre Léourier, de Mazabrard, fut emprisonné une première fois à Nîmes, et, une seconde fois à Annonay, en 1689, accusé qu’il était d’avoir fait plusieurs voyages en Suisse pour y porter des lettres de nouveaux convertis.

En 1691, deux soldats en garnison à Rochepaule, prévenus que des assemblées se tenaient au Monteil, s’y rendent à deux heures de nuitArrivés près de la maison, ils entendent chanter les psaumes à haute voix à la manière de la R. P. R.. Ayant regardé à l’intérieur, par une petite fenêtre, ils auraient vu une vingtaine de personnes qui avaient la tête découverte et au milieu d’elles, une Bible à la main, l’un des fils de la maison. A la suite de leur déposition, trois personnes sont arrêtées et, parmi elles, les fils Jouve, deux jeunes hommes bien faits. Ils restent quelques mois en prison au Puy. Le curé de Labatie écrit en leur faveur, attestant qu’ils ont abjuré en 1685 et fait depuis quelque acte de catholicisme. Et il ajoute : je crois qu’ils sont assez mortifiés de cet emprisonnement et j’espère, moyennant la grâce de Dieu, qu’ils feront mieux leur devoir à l’avenir et qu’ils serviront d’exemple aux autres pour venir plus assiduement à la messe. L’un des fils Jouve, Pierre, fut cependant condamné aux galères et mourut à l’hôpital le 29 décembre 1694.

Notre brave curé n’eut guère plus de satisfaction par la suite. Un état établi vers 1700 indique qu’à Labatie 17 jeunes ména­ges avaient refusé de faire bénir leur mariage par le prêtre. Les registres tenus par celui-ci nous révèlent que, dans les années qui suivirent, les protestants demeurèrent sur ce point fidèles à leur foi. Ils consentaient cependant, avec plus ou moins de bonne volonté, à faire baptiser leurs enfants par le curé qui écrivait dans ce cas au sujet des parents non mariés, vivant en concubinage. L’on note la présence à Labatie, après le mouvement camisard, d’une compagnie de fusiliers.

St-Jeure, l’on n’était guère plus zélé pour le culte catholique. Le même état porte pour cette paroisse 13 mariages non bénis par le curé. Par ailleurs, une annotation du registre curial indique qu’il n’y avait, en 1715, « à St-Jeure que 105 personnes qui fissent leur devoir de catholiques » (168 en 1775, à une époque où les protestants jouissaient d’une relative tolérance). L’on peut en inférer que bien peu de nouveaux convertis faisaient acte de catholicisme.

Parmi les personnes arrêtées, en 1699, pour avoir été à Orange pour entendre la prédication de la Parole de Dieu, figure Isaac Saigne, de Labatie. Peu avant, les soldats avaient démoli deux maisons vers Chastagnier, après avoir pillé et emmené prisonniers les habitants, dont nous ignorons les noms.

Lors de l’assemblée surprise de Beauregard (Desaignes), en 1706, l’on trouve parmi les personnes arrêtées Marie Astier, fille à feu Isaac, de Vialette. Elle déclare opiniâtrement ne vouloir pas être de la religion romaine.

Dès que les pasteurs du Désert vinrent dans la région, les protestants de Labatie et de St-Jeure s’empressèrent de profiter de leur ministère. C’est ainsi que l’un des premiers mariages bénis par Pierre Durand fut celui de Matthieu Chomel, du Vignalavec Anne Mazabrard, des Combettes.

St-Jeure faisait alors partie de l’Église de la Basse Montagne, et Labatie, de celle de Desaignes. Lorsqu’on put s’assembler à endroit fixe, l’on choisit La Naute (ou Nodon) pour cette dernière Église.

A la fin du XVIIe siècle, il y avait à Labatie 310 nouveaux convertis et 260 catholiques, à St-Jeure, 300 nouveaux convertis et 150 catholiques.

De la Révolution à nos jours

Rattachée d’abord au Consistoire de Lamastre, la paroisse de Labatie le fut ensuite à celui de St-Agréve. Lorsque, en 1829, un pasteur fut donné à Devesset, Labatie et St-Jeure firent partie de cette dernière Église. Le pasteur prêchait, semble-t-il, alternativement à Maujour et à Chastagnier.

N’écoutant que leur zèle, les protestants de Labatie se mettent à construire un temple à Chastagnier. Le gros de l’ouvrage est achevé en 1838 et les assemblées s’y tiennent dès cette date. Mais les fidèles ne peuvent supporter seuls toute la dépense. Aussi le Consistoire sollicite-t-il un secours du Gouvernement pour payer les dettes et parachever l’édifice. Parmi les travaux à faire sont mentionnés le lambris, la chaire, le parquet, le pavé. Ces travaux furent exécutés en 1842.

Dans une délibération de septembre 1838, le Consistoire expose au ministre que la section de Devesset, qui comprend cinq communes et qui est située dans un pays tout montagneux et de difficile accès, est trop vaste pour être desservie par le même pasteur. Il souligne la différence de climat, très froid sur le plateau de Devesset, ou l’abondance des neiges empêche souvent les assemblées de se former et le pasteur de se déplacer, plus tempéré à Labatie. De ce fait, les communes de Labatie et de St-Jeure souffrent de leur union avec celle de Devesset et ne peuvent être que très peu visitées en hiver par leur pasteur, quoique le temps n’y soit jamais assez mauvais pour empêcher ies assemblées. Non seulement le culte est en souffrance l’hiver, mais également le baptême des petits enfants et la visite des malades.

En conséquence, le Consistoire sollicite du Gouvernement la création d’une place de pasteur avec résidence à Labatie. Cela lui est accordé par ordonnance du 1er octobre I840. Restait à trouver le pasteur.

Chabal, le président du Consistoire, tenait à y mettre un pasteur orthodoxe. Mais, écrivait-il à la Correspondance fraternelle, il est aussi difficile de trouver un ministre fidèle que d’assurer son élection. je sais bien que le Seigneur fait son oeuvre dans les coeurs, et qu’il change quand il veut – lui-même en était un exemple – un adversaire en apôtre ». Mais il est cependant nécessaire que les chrétiens pieux aient à coeur de susciter de sérieuses vocations pastorales. La grande plaie de nos Eglises, c’est que tant de sujets inconvertis se consacrent au saint ministère et qu’il y en ait si peu qui partent pour la Faculté avec une vocation du Seigneur. Après maintes démarches, Chabal fut assez heureux de mettre la main sur un de ces derniers, François Roufineau, recommandé par Adolnhe Monod. Mais un autre candidat s’était présenté, Eugène de Magnin, de St-Agrève.

Appelé à se prononcer, le Consistoire nomme Roufineau. Dans sa lettre au Préfet demandant la ratification de cette nomination, Chabal parle de la lutte qu’il fut obligé de soutenir pour repousser un candidat dont les doctrines auraient été un sujet de scandale et de schisme dans une Église où la généralité des fidèles est imbue des principes de l’orthodoxie. Roufineau n’ayant pas l’âge requis par les règlements, le président du Consistoire demande pour lui une dispense d’âge, La population, dit-il, est impatiente de posséder son pasteur. Enfin, le vendredi 3 décembre 1841, à 11 heures du matin, Roufineau fut solennellement installé, dans le temple de Chastagnier, par Chabal. Après trois ans d’un fidèle ministère, Roufineau donna sa démission, démission que le Consistoire n’accepta qu’avec une vive peine.

Pour le remplacer, il fut fait appel à Jacques Arnaud, alors professeur au collège protestant de Ste-Foy et recommandé par Adolphe Monod. Se trouvant dans l’impossibilité de se loger à Labatie, Arnaud s’installa à St-Agrève.

N’étant pas satisfaits des prédications de Jean Girard, leur pasteur, les anciens de Devesset avaient obtenu qu’il y aurait échange de chaire entre le pasteur de Labatie et celui de Devesset.

A l’arrivée d’Arnaud, un débat surgit au sein du Consistoire à ce sujet. Les anciens de Devesset voudraient un tiers des prédications du pasteur Arnaud, ceux de Labatie ne veulent en accorder que six par an. Finalement Devesset en obtint un quart (une par mois). En 1850, Arnaud, appelé à Lamastre – où il terminera sa carrière pastorale – donne sa démission. Le Consistoire nomme un élève de Chabal, Jean Boyer, natif de Devesset, qui vient d’achever ses études à la Faculté de Strasbourg. La délibération précise que le jeune pasteur est connu personnellement de tous les membres du Consistoire, qui rendent tous témoignage à ses sentiments de piété et à son excellente conduite.

Dès 1842, l’on se préoccupe d’édifier un temple dans la commune de St-Jeure. Devant les lenteurs administratives, les protestants de St-Jeure se mettent eux-mêmes à l’ouvrage et aménagent un temple au Besset. Ils ont la grande joie de voir leur travail terminé en 1853. Ils demandent alors au Consistoire d’accorder au nouveau temple autant de services qu’à celui de Chastagnier, ce qui est décidé.

Boyer, dont le ministère est très apprécié, est appelé en 1855 à remplacer Chabal à St-Agrève. La paroisse verra ensuite se succéder – et souvent après une longue vacance – nombre de pasteurs.

Parmi ceux qui ont laissé un souvenir béni, citons Lucien Flaissières, qui reste cinq ans, Pierre Tendil qui, à la suite d’une souscription ouverte dans le journal l’Espérance, édifiera une école à St-Jeure; ayant quitté Labatie pour raisons de santé, il continuera à s’intéresser à son ancienne paroisse et plaidera plus d’une fois sa cause dans le Christianisme au XIXèsiècle. Mentionnons enfin L. Ondet, un ancien prêtre, dont la longue carrière s’écoula à Labatie.

En 1845, le pasteur Arnaud avait pris l’initiative de construire un presbytère à Gamon. Faute de fonds sans doute, l’édifice demeura inachevé. En 1873, l’on reprend le projet. A ce propos, le Conseil presbytéral constate que le hameau de Gamon est un des plus sains et des plus agréables de la paroisse. Et il observe que si l’on faisait construire un presbytère dans un autre hameau, on jetterait la discorde dans l’Église et l’on s’exposerait à des dépenses énormes. L’on estime que 4.000 francs suffiraient pour terminer l’édifice commencé en 1845. En attendant, le pasteur a pour logement une chétive et étroite habitation qu’on ne peut élargir, puisqu’elle est enclavée entre trois autres maisons et qui est située au flanc d’une côte escarpée. Le projet revient encore en 1890. Cette fois, il est question d’une promesse de vente consentie par Théophile Russier d’une parcelle de terrain de 800 m2, située au hameau de Gamon, en vue d’y édifier le presbytère projeté, dont le devis s’élève à 9.610 francs.

En 1867, le temple du Besset se trouvait dans un état déplorable. Une délibération du Conseil presbytéral va jusqu’à dire qu’il ressemble à une masure plutôt qu’à un lieu de culte. Des réparations sont alors faites (cette fois l’on demande une subvention à l’État). Douze ans plus tard, l’on constate que, malgré les travaux de réparations, le temple est dans un état qui menace ruine et l’on décide de le transférer au village même de St-Jeure. Pour justifier sa décision, le Conseil presbytéral expose que Le Besset se trouve à une extrémité de la commune, sur une hauteur au climat particulièrement rude. Si le temple a été érigé dans ce hameau et non à St-Jeure, c’est qu’au moment de sa construction, le village était tout catholique, mais maintenant il n’en est plus de même. Une école protestante a d’ailleurs été ouverte à St-Jeure. Des souscriptions, en vue de la construction d’un temple au chef-lieu de la commune ont été recueillies et s’élèvent à 1.934,70 fr.

Mais l’on sera long à passer aux actes. Toutefois, dès 1881, les assemblées se tiennent à St-Jeure même, dans la salle de l’école protestante.

Enfin, en 1900, un devis de 9.800 frs (réduit à 7.200 frs) est approuvé. Les fidèles donnent 2.329 frs et 1.115 frs de matériaux, la commune vote une subvention de 200 frs et l’État accorde 3.500 frs. L’adjudication a lieu le 16 février 1902. L’année suivante, le temple était achevé, à la grande joie des fidèles.

En 1937, un Foyer des jeunes est venu compléter heureusement l’édifice.

De son côté, le temple de Chastagnier a subi, au cours des ans, diverses réparations ou améliorations. C’est ainsi que le parquet, les tribunes, la sacristie furent aménagés en 1867. La célébration du centenaire de ce temple, en 1939, a donné lieu à une belle fête religieuse. Enfin, le 25 mars 2007, inauguration après d’importants travaux réalisés sur ce bâtiment.

Pasteurs consacrés à Labalie d’Andaure : A. CHATONEY (1928) ; A. CHAPAL (1935).

 

Théodore Pascal d’après Samuel Mours, Le Vivarais et le Velay Protestants (cf. bibliographie)

LABATIE D’ANDAURE : LES PASTEURS

  • François ROUFINEAU 1841-1844
  • Jacques ARNAUD 1844-1850
  • Jean BOYER 1850-1855
  • César ROULLET 1856-57
  • Lucien FLAISSIÈRES 1858-1862
  • Pierre TENDIL 1865-1874
  • VIRET 1875-1876
  • Jean Pierre CRU 1878-1883
  • ONDET 1884-1909
  • JACOT 1910-1912*
  • Samuel WAVRE 1912-1920
  • Charles BOYER 1920-1923
  • Pierre GUIRAUD 1923-1927
  • André CHATONEY 1927-1933
  • André CHAPAL 1933-1947
  • Roger LANY 1947-1948
  • Jean SEIGNEUR 1949 – 1955
  • Paroisse ensuite regroupée avec celle de Désaignes.

 

 

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